Patrimoine intime
En Périgord nous connaissons bien nos vieilles églises et nos fiers châteaux, nos quartiers anciens et nos bourgs historiques, nos jardins précieux et nos sites naturels : patrimoine prestigieux, connu et visité.
Mais il est un autre patrimoine plus discret, plus personnel ou, pour dire vrai, plus intime. Ce patrimoine résonne en nous avec délicatesse et parfois nostalgie. Ainsi en est-il des repas de famille de notre enfance où l'on retrouvait les secrets culinaires de la grand-mère, du fauteuil fatigué du grand-père toujours disert pour ses petits-enfants ou du fusil de chasse, maintenu hors de portée, de l'oncle grincheux. Certains n'y verront que de simples souvenirs et pourtant ce sont ces moments simples qui nous ont un temps nourri et formé et que nous souhaitons transmettre à ceux qui nous sont chers.
En ces temps où tout semble passer si vite, où la vie ordinaire est une course rapide et presque incontrôlée, où le temps de repos devient une fuite face aux pressions quotidiennes, il est nécessaire et aussi utile de retrouver ou même de redécouvrir au jour le jour un patrimoine sans doute très humble et pourtant si riche pour celui qui y trouve un témoin fécond, une source inavouée de l'âme.
Voici les premières dents du petit héritier, l'armoire à confiture, le pince-nez découvert naguère au grenier ou encore les belles épaulettes dorées d'un ancêtre militaire.
Qui ne conserve précieusement bouquins, lettres, cartes postales familiales ou dessins de l'enfance heureuse, dont la valeur échappe au regard étranger.
Ailleurs ce sont les souvenirs des temps de labeur : outils et mesures de l'artisan, charrue et araire du paysan, et bien d'autres.
Mais il est un patrimoine plus précieux encore : ce sont les photos anciennes et aussi plus récentes. Que de temps passé à les regarder, non plutôt à les contempler, à les toucher et parfois, bien discrètement, les embrasser. Elles sont de véritables icônes domestiques pour un usage tout personnel. Bien au-delà de ce qu'elles représentent, ces photos sont une sorte de miroir vivant qui se reflète au plus profond de nous.
Laissons-nous conduire par ce patrimoine ô combien intime et transmettons aussi à nos proches, certes à leur mesure, ces précieux trésors.
Dominique Audrerie (texte publié dans "Mémoire vivante" n°15 - août 2021)
Les illustrations font partie de la collection de cartes postales de la SHAP (fonds Pommarède), 16000 cartes disponibles sur https://phototheque.shap.fr