Le premier congrès de la Société Préhistorique de France (Périgueux 26 septembre-1er octobre 1905)

De WikiShap

« Sa première session aurait lieu dans le département de la Dordogne, la terre classique par excellence des gisements préhistoriques les plus intéressants, la terre célèbre aussi par la découverte, en ces dernières années, de grottes à gravures et peintures, connues aujourd’hui dans le monde entier » Compte-rendu de la première session du Congrès préhistorique de France, Paris, Schleicher frères éditeurs, 1906, p. 13.


La Société Préhistorique de France

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Les rivalités autour du contrôle de la Préhistoire amènent à la création le 8 novembre 1903 de la Société Préhistorique de France (SPdF). Cette union se veut comme d’utilité publique pour faire avancer la science préhistorique. Elle formalise une solidarité humaine et scientifique entre les préhistoriens amateurs par nature isolés, géographiquement et intellectuellement. Le Bureau de la SPdF s’étonne du peu de Périgourdins inscrits, face aux activités du territoire.

Le choix du Périgord

Les sociétaires ont pris la décision de réaliser chaque année un congrès préhistorique dans une région de France où la recherche culmine. La séance du 9 novembre 1904 informe que la Société a choisi le Périgord comme première lieu pour son congrès. C’est un fait notable que ce département soit choisi. Cela montre tout l’intérêt des érudits pour les découvertes préhistoriques de la vallée de la Vézère en ce début du XXe siècle. Nous pouvons nous interroger : pourquoi ne pas établir le premier Congrès dans la Somme, sur les terres de Boucher de Perthes (1788-1868), celui qui est parvenu à faire reconnaître la Préhistoire en 1859 ? Une question qui ne peut qu’être laissée en suspens. La présence d’Émile Rivière (1835-1922) à la tête de la SPdF peut fournir des éléments d’explications sur ce choix. Il a fouillé à de nombreuses reprises le territoire sarladais et il connaît les locaux aussi bien que les hommes influents du monde érudit périgourdin. Son poids est décisif dans la décision finale.

Emile Rivière, photographié par Quinet (1875)

La municipalité de Périgueux coordonne le Congrès sur place avec Maurice Féaux (1851-1934) alors conservateur-adjoint au Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord, comme président du Comité. Le Congrès dure trois jours au théâtre de Périgueux (actuelle place André-Maurois) complétée par deux excursions dans les grottes de Chancelade, à Bourdeilles et Brantôme, puis aux Eyzies, à la Madeleine et au Moustier.

Des questionnements sur les congressistes présents et présentes  

      Un appel est lancé aux Préhistoriens de la Dordogne afin de les inviter à venir compléter les rangs du Congrès. Il est notable au travers de la lecture des comptes-rendus des bulletins de la SPdF, qu’elle a maille à partir avec eux. Nous ne connaissons pas plus de détails sur les personnalités opposées à la venue des savants parisiens. Néanmoins, pour qu’une telle tension soit divulguée, nous pensons qu’il s’agit d’une opposition forte et sollicitée.

    La liste des participants nous indique que des sociétaires de la SHAP participent activement aux manifestations. Fait marquant -puisqu'elles sont les grandes absentes du XIXe siècle- les femmes sont présentes en grand nombre. Elles assistent aux séances et aux excursions. L’homme fossile peut être une femme, comme le préhistorien peut être une préhistorienne.

« Une trentaine de dames, femmes ou filles de nos collègues, qui s'étaient fait inscrire comme membres adhérents […] Après leur avoir respectueusement souhaité la bienvenue, les avoir remerciées du charme de leur présence appelée à rendre plus attrayantes encore les excursions projetées, le Président a retracé en quelques pages, […] tandis que des gerbes de fleurs, cravatées aux couleurs nationales et surmontées de l'écusson de la ville de Périgueux, étaient gracieusement offertes aux dames, à leur entrée. » Bulletin de la SPdF, t. II, 1905, p. 305.  

Photographie de groupe du Premier Congrès préhistorique de France

Le Périgord, avec le déroulement du premier Congrès préhistorique de France en son territoire, acquiert ses lettres de noblesse préhistorique. Cette reconnaissance de la sphère scientifique met en souligne la portée du département dans l’avènement, la pérennisation et les avancées de la jeune discipline. Le compte-rendu de la session à Périgueux détaille toutes les péripéties du voyage, les acclamations du travail périgourdin et les interrogations nouvelles autour de l’art pariétal.


Charlotte LEROY


  • Compte-rendu de la première session du Congrès préhistorique de France, Paris, Schleicher frères éditeurs, 1906. (cliquer ici)
  • HUREL Arnaud, La France préhistorienne de 1789 à 1945, Paris, CNRS Éditions, 2007.
  • LEROY Charlotte, « Le Périgord au temps des Mammouths : mise en histoire et en patrimoine d’une nouvelle discipline (1828-1905) », Mémoire de Master Histoire à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Limoges, sous la direction de Clotilde Druelle-Korn, Limoges, 2022.
  • PATOU-MATHIS Marylène, L’homme préhistorique est aussi une femme. Une histoire de l’invisibilité des femmes, Paris, Allary Éditions, 2020.
Carte postale de la grotte du Raymonden sur la commune de Chancelade