La ligne de chemin de fer Périgueux-Ribérac à La Chapelle-Gonaguet

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Sa création

    La deuxième moitié du XIXe siècle vit l’essor du chemin de fer, un peu partout en France et notamment en Dordogne. Dès 1852, la compagnie du chemin de fer d’Orléans à Bordeaux songeait à créer une ligne « s’embranchant sur la section d’Angoulême à Bordeaux et destinée à relier avec cette ligne la ville de Périgueux ». 1

    Mais c’est seulement après la guerre de 1870 que plusieurs projets virent le jour simultanément pour ce tronçon : une ligne Nontron-Périgueux, proposée par la compagnie des Charentes, une ligne Montmoreau-Marmande via Ribérac, Mussidan, Bergerac, Issigeac et Eymet, avec un embranchement de Ribérac à Périgueux, proposée en 1873 par une compagnie représentée par le baron de Montour, et le projet de la compagnie d’Orléans d’une ligne Montmoreau-Ribérac-Périgueux en 1874.

Le tracé de la ligne soumis à l’enquête d’utilité publique (AD 24, 48 S 2)

   Ce dernier fut soumis à une enquête d’utilité publique du 1er janvier au 1er février 1875 2. La commission nommée par le préfet pour tirer les conclusions de cette enquête comprenait deux députés, deux membres du conseil général, le président du tribunal de commerce de Périgueux, M. Goursat, les maires de Mensignac, Lisle, Ribérac et Celles, et trois propriétaires Léonce de Fourtou, le marquis de Fayolle et M. Delrieux de Celles.

Dix-neuf communes furent en faveur de la déclaration d’utilité publique : dix sans restriction – dont La Chapelle-Gonaguet -, huit demandaient une modification du tracé et une demandait que la déclaration d’utilité publique soit prononcée en même temps pour la ligne Nontron-Périgueux.

La décision concernant l’utilité publique fut adoptée à l’unanimité par la commission : « L’utilité publique du chemin de fer de Périgueux à Ribérac, déjà déclarée implicitement en 1873 alors que le même chemin portait une autre dénomination, est incontestable. Il importe que la concession en soit assurée le plus promptement possible. »

   En ce qui concerne le tracé de la voie, les discussions furent serrées, le texte définitif fut adopté par seulement six voix contre quatre et une abstention : « la commission émet l’avis que le tracé de l’avant-projet suive la vallée de la Dronne, avec cette explication qu’en aucun cas le cours de la rivière soit remonté au-delà de Lisle. Elle émet un vœu pour l’exécution la plus prompte possible des travaux nécessaires à l’établissement de la ligne. »

Après que la compagnie d’Orléans ait soumis un nouvel avant-projet avec le tracé demandé par la commission d’enquête, la ligne fut déclarée d’utilité publique au titre d’intérêt général par une loi du 31 décembre 1875 promulguée au Journal officiel du 12 janvier 1876. 3

  Une nouvelle enquête publique eut lieu pendant huit jours à compter du 12 août 1877 pour donner un avis sur le nombre et l’emplacement des stations à établir sur la ligne 4. La nouvelle commission d’enquête comprenait M. Maréchal, membre du Conseil général, Liébeaux, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, Me Duchazaud, notaire à Mensignac, le maire de Lisle, l’adjoint de Mensignac et deux propriétaires, Léonce de Fourtou de Lisle et le docteur Seguy de La Chapelle-Gonaguet.

   Etaient prévues au projet : des stations à Ribérac, Saint-Méard-de-Dronne, Tocane Saint-Apre, Lisle, et Vaure-Mensignac ainsi qu’une halte à Siorac, commune d’Annesse-et-Beaulieu, en fait au lieu-dit Pracouyer.

    Dans sa délibération du 15 août 1877, le conseil municipal de La Chapelle-Gonaguet émit « le vœu de voir établir la station projetée dite de Pracouyer à laquelle on aboutirait par le chemin vicinal n°2, observant que la station également projetée par Vaure de Mensignac, quoique avantageuse pour les communes et les villages vers Lisle, n’offrirait pas les mêmes avantages à la majorité des habitants de La Chapelle-Gonaguet qu’elle ferait au contraire rétrograder au lieu de la rapprocher de Périgueux où sont toutes ses relations. »

    Cet avis ne fut pas retenu par la commission qui approuva le projet de la Compagnie d’Orléans. Mais, sur la demande du docteur Seguy, elle proposa que « vu l’importance relative du village de La Chapelle, la station projetée soit désignée sous le nom de La Chapelle-Mensignac au lieu de Vaure-Mensignac. »

    La loi n°8252 du 31 juillet 1879 5, promulguée au Journal officiel du 1er août, autorisa le ministre des Travaux publics à entreprendre les travaux de superstructures de différents chemins de fer, dont Montmoreau à Périgueux.

Son fonctionnement

Pont de la Perliche

   La ligne fut mise en service le 19 décembre 1881 et inaugurée en grande pompe par M. Lesguillier 6, sous-secrétaire d’état au ministère des Travaux publics, en présence, notamment, de nombreux ingénieurs et inspecteurs de la Compagnie d’Orléans, du général Villemot, commandant la Division de Périgueux, de M. Roman, ingénieur en chef et M. Liébeaux sous la direction desquels les travaux ont été terminés. Un grand banquet réunit à Ribérac le préfet, les sous-préfets, tous les fonctionnaires, les ingénieurs et les entrepreneurs.

   La ligne fut cédée par l’Etat à la compagnie des chemins de fer de Paris-Orléans par une convention signée le 28 juin 1883 et approuvée par la loi n°14217 du 20 novembre 1883, promulguée au Journal officiel du 21 novembre. 7

Ponceau sous la voie pour l’écoulement des eaux

  De nombreux ouvrages d’art furent construits sur la ligne : un tunnel à Picandine (commune de Lisle) et un à Beaulieu, juste après la halte, long de 650 mètres ; des passages à niveau : il y en avait trois sur la commune de La Chapelle-Gonaguet, les Genêts, le Lac Pezal et Pierre Dure en bas du village des Reyssoux ; des passages sous la voie de chemin de fer pour le maintien des communications comme le pont de la Perliche au bas du village des Reyssoux et de nombreux aqueducs voûtés et ponceaux sous la voie pour permettre l’écoulement des eaux. Le tracé de la ligne se voit encore bien aujourd’hui à certains endroits et certains ponceaux sont toujours accessibles comme celui situé entre la barrière de Pierre Dure et celle du Lac Pezal, qui était située sur le chemin descendant de Puy Auriol.

En 1884 il y avait dans les deux sens trois trains par jour plus deux facultatifs qui circulaient à une vitesse de 40 à 55 km/heure pour les trains de voyageurs ou de messagerie et à 25 à 30 km/heure pour les trains facultatifs. Il n’y avait pas de transports spéciaux pour les marchandises. 8

En 1884, 537 voyageurs partirent de la halte de Beaulieu et 547 y arrivèrent, soit une moyenne de un voyageur et demi par jour …

  Entre les deux guerres, il y avait deux trains de voyageurs dans le sens Périgueux-Ribérac, à 8h et à 12h, et deux en sens inverse à 11h et à 18h, et quatre trains de marchandises par jour.

Le service des voyageurs fut supprimé le 10 juin 1940 et celui des marchandises le 17 décembre 1951. La voie fut déclassée le 12 novembre 1954.


Catherine Schunck‍ (texte publié dans Mémoire vivante)

Barrière de Pierre-Dure aux Reyssoux, madame Rapnouil entourée de ses deux fils (collection Rapnouil)

1 - Retronews, Le Phare de la Loire, 28 avril 1852

2 - AD 24, 48 S 1

3 - Gallica, Bulletin des Lois

4 - AD 24, 48 S 2

5 - Gallica, Bulletin des Lois

6 - Retronews, L’Unité nationale du 21 décembre 1881

7 - Gallica, Bulletin des Lois

8 - AD 24, 48 S 9