La carrière de Rochevideau

De WikiShap

La carrière de Rochevideau : 150 ans d'histoire

Des carrières de pierre aux champignonnières

On a longtemps tiré des carrières de pierre des blocs de calcaire pour la construction d’habitations, mais aussi de ponts ou de grands bâtiments. Leur nombre, en Dordogne comme ailleurs, a diminué avec la mise au point de nouveaux matériaux. Ces carrières, progressivement abandonnées, sont devenues pour une partie d’entre elles des caves pour les vignerons dans quelques régions, par exemple en Touraine. D’autres ont été converties en champignonnières, d’abord à Paris et dans sa périphérie : c’est pourquoi l’agaricus bisporus est connu sous le nom de champignon de Paris — on dit aussi champignon de couche. Il semble que ce soit Jean-Baptiste de la Quintinie, directeur des jardins de Louis XIV, qui ait mis au point sa culture.

Dans la commune de La Chapelle-Faucher, au lieu-dit Rochevideau, une carrière a été creusée et exploitée peu avant 1870 dans une falaise de la vallée de la Côle. Jusqu’en 1939, on en a extrait une pierre d’excellente qualité pour la construction d’ouvrages d’art et de bâtiments publics : ponts de chemin de fer, lycée de Tulle, théâtre de Brive, etc., les pierres étant transportées par la voie du rail.

Les Forestier et leurs ânes

L’entreprise familiale de Rochevideau

À Rochevideau, la culture des champignons a commencé en 1964, avec Claude Forestier, venu de Charente. Avec son épouse Madeleine il fabriquait sur place le support nécessaire au développement des champignons ; c’était à l’époque un mélange de paille et de fumier de cheval et d’âne, posé directement sur le sol, plus tard dans des cuves en bois. Une machine a permis ensuite la fabrication plus facile du support qui, ensuite, était pasteurisé avant d’être mis en place.

‍Leur fille Nadine a repris le flambeau en 2000. Depuis une dizaine d’années le support, fabriqué en Charente, toujours avec une base de fumier de cheval, est livré dans quatre containers déjà ensemencés. Chaque container permet deux à trois récoltes et demande deux à trois heures de travail par jour. Nadine vend sa production sur les marchés et dans quelques restaurants de la région.

La carrière réunit les meilleures conditions pour le développement du champignon : une température constante, autour de 13°, une forte humidité (90%) et une bonne ventilation. On voit bien que les champignons occupent une place modeste dans l’espace.

La mémoire de la pierre

Le travail artisanal du champignonniste tend à disparaître, une partie importante de la production s’effectue aujourd’hui dans de grands hangars climatisés. On risque ainsi d’assister progressivement à l’abandon des carrières, or elles gardent sur leurs murs un riche patrimoine, les traces d’une partie de la vie des carriers. Il faut se souvenir que les blocs de pierre, à Rochevideau comme ailleurs, étaient extraits à la scie, à la lumière de lampes à carbure dont les plafonds noircis ont gardé le souvenir.

Les ouvriers avaient bien peu de loisir cependant, au fil du temps, ils ont laissé sur les parois blanches des dizaines de graffitis et de dessins directement liés à leur vie et aux événements politiques. On y déchiffre de courts textes, concernant parfois leur relation à l’employeur.

Ils montrent aussi leurs préoccupations vis-à-vis de l’actualité, notamment pendant la guerre de 14-18, où les dessins de soldats sont accompagnés d’une profession de foi républicaine, et le credo républicain est répété autour du croquis d’une femme à crinoline.

On distingue aussi beaucoup de dessins de visages et d’animaux (ânes, oiseaux).

‍C’est tout un passé que l’on peut retrouver ici, à Rochevideau, mais c’est un patrimoine fragile : l’histoire de machines dont, peu à peu, personne ne connaîtra plus l’usage ; les traces d’une époque ancienne où les conditions de travail dans les carrières étaient très difficiles, peu imaginables aujourd’hui. En Périgord comme ailleurs, les champignonnières ont quasiment disparu. Cette culture existe encore dans les Yvelines mais l’essentiel de la production est aujourd’hui en Val-de-Loire. En Périgord, les amateurs de champignons connaissent les vastes carrières de Chancelade, un peu moins celles de Rochevideau où Nadine Forestier continue vaillamment à perpétuer le savoir-faire transmis par ses parents.


Tristan Hordé

Pour aller plus loin, on peut lire 4 pages consacrées à « La carrière souterraine de Rochevideau : champignonnière et graffitis remarquables », par Anne-Marie Cubertafon et Claude Mouret, dans Histoire & Patrimoine du pays des Briances, bulletin n° 26, 2016.