La Révolution en Périgord (complément du chap. 1)

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Révolution en Périgord : compléments du chapitre 1

I - A propos des sources

Les Archives départementales de la Dordogne ont mis en ligne les cahiers de doléances (Série 6C) dont elles disposent, pour l’essentiel ceux de la sénéchaussée de Périgueux. C’est une lecture passionnante et souvent sans l’obstacle du déchiffrage. On trouvera, aux Archives départementales de la Gironde, les cahiers des paroisses périgourdines de la sénéchaussé de Libourne.

Sous les côtes 6C 18, 19, 20 on trouve les procès-verbaux des assemblées du tiers des sénéchaussées secondaires peu utilisés et pourtant passionnants pour l’étude du conflit villes-campagnes qu’ils présentent.

En 6C35, on trouve le procès-verbal de l’assemblée de la noblesse dont le cahier montre le niveau d’hostilité à la monarchie absolue. Quant au document 6C36, il expose le conflit qui opposa l’évêque et ses curés.

Des Archives Nationales, on consultera sur les états généraux et la correspondance de Fournier-Lacharmie ou de Gontier de Biran, le dossier B 66.

II - Quelques indications bibliographiques

Pour la bibliographie générale du Périgord, la meilleure recension se trouve dans l’Inventaire de la série L des Archives Départementales de la Dordogne, Bergerac 1965, publié par Noël Becquart. Elle a été renouvelée par le remarquable travail de R Beaudry dans un ouvrage collectif paru à l’occasion du Bicentenaire Croquants et Jacobins, Aspects de la Révolution en Dordogne, 1989-99, Copédit, 198.

Bibliographie

Pour ceux qui souhaitent aller plus loin, deux ouvrages donnent des analyses plus détaillées. Bien sûr il faut en revenir à l’ouvrage plus que séculaire mais ô combien savoureux de Georges Bussières réédité en 1989 et préfacé par Anne-Marie Cocula, (Etudes historiques sur) La Révolution en Périgord,2 tomes, P.L.B. éditeur, Le Bugue, 1989. Ch Vénard, 1789, Les élections aux Etats Généraux dans la sénéchaussée principale de Périgueux, T.E.R. Paris IV, 1987, étudie (et c’est original) surtout les procès-verbaux qui accompagnent les cahiers essayant de vérifier une thèse d’un auteur longtemps ignoré et remis en honneur par F Furet, A Cochin. L’ouvrage publié par la Société historique pour le bicentenaire, Le Périgord révolutionnaire supplément Bulletin SHAP LXVI 1789, hélas sans construction problématique ni ordre thématique compte un certain nombre d’articles intéressants. Pour ce chapitre, celui de Guy Penaud sur les francs-maçons ou encore de l’abbé Robert Bouet sur "les derniers curés d’Ancien Régime" (p161) et surtout de R Larivière sur le vote des femmes aux assemblées de paroisse.

Les événements de la période de l’été 1788 au printemps 1789 à la fois sur les plans économique (crise frumentaire) et politique (préparation des états-généraux) du sud de la Dordogne trouvent de larges échos dans G. Charrier, Les Jurades de la ville de Bergerac, 1352-1790, Imprimerie générale du Sud-Ouest, 1892-1941, tomes XII et XIII

Pour Périgueux, la correspondance d’un magistrat et du sénéchal : G.Lavergne »les préliminaires de 1789, lettres de Chilhaud de la Rigaudie et du marquis de Labrousse de Verteillac ». B.S.H.A.P., 1955, p 33 montre le climat de tension de la ville à l’hiver 1789

Pour les Nontronnais, ils trouveront dans la bibliothèque des Archives départementales R Beaudry, Cahiers de doléances du Nontronnais, Nontron 1789 et ceux qui s’intéressent à la pré-révolution des articles du Bulletin ont été consacrés aux cahiers de doléances .

Noël Becquart pour Issigeac (1962), La Roque-Gageac (1976), Marcillac (1982).

E. Lecoux-Lagoutte : Trélissac (1900),

Dujarric-Descombes : Celles (il s’agit d’une étude communale) (1917),

G. Duboscq : Auriac en Périgord (1936)

Pour le clergé, l’exemple unique du cahier d’un curé de campagne, Delteil de Saint-Cernin de la Barde présenté par G Lavergne dans le BSHAP de 1929.

Sur ce premier chapitre, comme sur le suivant, la thématique a été limitée : on retrouvera les événements détaillés dans le 1789 en Périgord déjà cité. Ont été retenu textes portant sur les thématiques suivantes

III - Compléments au livre

31 - la fièvre archéologique de 1788, lancée en juillet 1788 au moment de la convocation des états généraux et le droit des provinces qui avaient perdu leur titre de pays d’Etat à y participer. Les villes étaient spécialement chargées de cette démarche. Le principe était qu’elles unissent leurs efforts pour rédiger un placet commun. C’est dans cette voie que s’engagèrent les sénéchaussées de Sarlat et Bergerac (voir carte 1) Photo 1 déjà utilisée pour la conférence et dans une démarche qui dura toute l’automne de sorte qu’en décembre elles étaient prêtes à unir leur effort à la sénéchaussée de Périgueux.

On sait comment, dans celle-ci, la vigueur de l’offensive aristocrate sous la présidence de l’évêque fit avorter le projet. Chilhaud dans sa correspondance avec le marquis de Verteillac (citée ci-dessus) décrit l’affrontement. Le 11 les ordres de la ville s’étaient réunis et étaient convenus de se revoir. Mais la noblesse court-circuita ce calendrier.

"Le 15 de ce mois la noblesse, tant de la ville que de la province s’est assemblée sur une lettre circulaire de M Dupin , receveur des tailles. On y appela quelques membres du clergé et M l’Evêque la présida. On agita la question de savoir s’il serait avantageux de demander le rétablissement des Etats de cette province et tous les suffrages se rencontrèrent sur l’utilité de cette demande. Mais, lorsqu’il fut question de la forme sous laquelle aurait lieu le rétablissement, il y eut de grands débats. Presque tous les membres de la campagne et une partie de ceux de la ville étaient d’avis que l’on demandât sur le même plan que la province du Dauphiné venait d’adopter 1.Mais l’influence de M. l’Evêque et quelques autres fut telle qu’on se décida à demander le rétablissement sur l’ancien pied et le mémoire fut en conséquence rédigé et renvoyé. Les Officiers Municipaux de cette ville, instruits du résultat de cette assemblée en convoquèrent une du tiers-état et croyez bien, monsieur, que cet ordre, justement offensé de ce que la noblesse ne l’avait pas appelé pour concourir à un établissement aussi important a pris des résolutions toutes contraires "

Chacun alla donc de son placet et c’est ce climat que dénonce Pipaud des Granges dans son Avis aux trois ordres.

Celui qui est présenté ci-dessous est celui des « nobles citoyens de Périgueux » dont l’attitude restait hésitante : fallait-il se rallier au tiers-état ou au contraire à la noblesse. Car ceux qui étaient porteurs du titre de « Bourgeois de Périgueux »,entre 200 et 300 familles titulaires de ces lettres de bourgeoisie qui s’accompagnaient de nombreux privilèges dont significativement celui de porter l’épée) (voir G. du Mas, Le Périgord des "nobles" bourgeois du XVIII° siècle, Périgueux, Pilote 24, 2003. Ils appuyaient cette prétention sur le fait que, depuis le traité de 1204 avec Philippe-Auguste, la ville constituait une seigneurie, directement vassale de la monarchie. De ce fait, la noblesse de la ville était incontestable et les bourgeois, en tant que tels, pouvaient être considérés comme nobles. D’où aussi la question de leur appartenance, car le second ordre les rejetait et le maire Migot de Blanzac n’obtint pas de siéger au nom de la ville à l’assemblée des nobles d’où il fut proprement éconduit (assemblée de la noblesse, citée ci-dessus).

Les bourgeois rejoignirent donc le tiers en 1788, partie à cause de cette situation, mais aussi parce que, dans leur rangs, certains participaient aux idéaux du tiers.

J’ai retenu le début de leur placet car il montre quel était l’enjeu de la démarche lancée par Loménie de Brienne à l’été 1788 (photo 2)

32 - Les cahiers de doléances

A noter que Georges Bussières (La Révolution en Périgord, cité ci-dessus, tome 1, 2°partie chapitre V, p. 67) publie de larges extraits des cahiers. Idem pour G.Rocal, Croquants du Périgord, Paris, Floury, 1936

Nous avons retenus deux cahiers qu’on ne peut prendre pour des cahiers-types. Leur choix résulte de leur spécificité à propos de certains thèmes

321 Auriac-de-Bourzac

Le cahier d’Auriac-de-Bourzac a été retenu pour montrer que les doléances locales peuvent s’élever à des considérations politiques , teintées de rancune, qui montrent la mentalité des campagnes et leur hostilité à la ville, cette fois accusée de prendre aux campagnes les plus robustes de leurs hommes . On notera d’un côté la modération de ce cahier qui reconnaît la légitimité de la dîme et même des rentes, comme spécifiques aux deux premiers ordres, non sans souligner qu’ecclésiastiques et nobles doivent être soumis à la loi commune en matière fiscale sur leurs propriétés. La critique de la légitimité de l’exemption fiscale noble est classique : les nobles ne payant plus l’impôt du sang, ils ne doivent être exempts de celui qui doit frapper tous les Français. Particulièrement intéressantes sont les considérations sur les domestiques ou laquais à qui est reprochée leur oisiveté et leur morgue et plus encore leur exemption de la milice. Tout au long de la Révolution on leur ferait payer leur ancien état dont témoigne de façon particulière la manière dont ils sont désignés en mars 1793 dans le cadre de la levée de 300 000 hommes. On notera aussi la conviction d’un dépeuplement, ancré dans les mentalités du XVIII° siècle où la population avait augmenté d’un tiers. D’où l’attrait des thèses populationnistes contemporaines de Malthus qui ,au contraire, soulignait les dangers de la croissance démographique

Ce cahier en forme de traité émane évidemment d’une plume bourgeoise. On notera le lien très strict entre citoyenneté et propriété. On ne sait si le passage à propos des hommes « rebut » qui sont les agriculteurs fut bien reçue !

" Le tiers-état de la paroisse d’Auriac n’a pu entendre sans verser de larmes d’attendrissement, les marques touchantes de bonté particulière, avec laquelle Sa majesté veut se rapprocher de son peuple en lui permettant de porter à ses pieds ses très humbles supplications et ses hommages respectueux. Vraiment pénétrés de la confiance dont nous honore un roi si bon et si occupé du bonheur de ses fidèles sujet nous sacrifieront toujours gaiement nos fortunes et nos vies à la prospérité de son règne et à la gloire de sa couronne

On peut avoir le cœur et les sentiments d’un bon citoyen sans possession territoriale, mais ce n’est que par les possessions territoriales qu’on acquiert tous les droits de citoyen (2) et les prérogatives de citoyen augmentent ou diminuent en raison de l’étendue, de la nature ou de la qualité de ses biens. C’est donc en proportion de ses biens ou possessions territoriales que le citoyen doit contribuer aux charges de l’Etat.

Nous ne disputons pas aux deux ordres respectables du clergé et de la noblesse les divers privilèges attachés à leur personne et à leur état. Mais leurs biens ne sont pas d’une nature différente des nôtres.

Les dîmes sont le vrai patrimoine de l’Eglise. Son droit sur cet objet nous paraît si naturel et si bien établi que nous ne pouvons voir qu’avec surprise et douleur qu’il en a été détaché certaines portions dans les temps de troubles et de désordre pour passer en des mains étrangères (3). . Nous ne pouvons nous empêcher de jeter un autre jugement sur les bien fonds ecclésiastiques…Messiers du clergé ne peuvent les posséder qu’au même titre que les tenaient leurs donateurs au titre de citoyens. Or le premier ordre de l’Etat est composé sans nul doute de trop bons citoyens pour refuser de soutenir le fardeau de l’Etat…

Ce que nous venons de dire des biens ecclésiastiques s’applique naturellement aux biens anoblis quelconques…Les exemptions des biens de noblesse pris en général n’ont été accordés qu’en échange avec d’autres charges plus désagréables sans doute, celles d’avoir à défendre ses propres foyers de l’usurpation et la tyrannie, et de fournir également comme vassaux de la couronne aux dépenses des guerres meurtrières et ruineuses qu’avait à soutenir le Seigneur Suzerain, c’est une espèce de dédommagement que lui devait l’Etat ; mais aujourd’hui que les dépenses de guerre sont toutes aux frais de l’Etat et que l’Etat veille également sur la Société et la tranquillité de toutes les personnes particulières, Messieurs les nobles ont-ils le droit de réclamer les mêmes exemptions ?…Un revenu et qui doit être exempt de toutes impositions ce sont les rentes :en assençant (4) les fonds les Seigneurs se sont déchargés sur leur tenanciers de toutes charges civiles et ecclésiastiques, et cette décharge nous paraît aussi juste que naturelle. D’ailleurs si les rentes et les dîmes étaient imposées, les mêmes terres supporteraient deux impositions à la fois ce qui ne nous paraîtrait ni naturel ni équitable.

Une dépopulation affreuse appauvrit nos campagnes, cependant à consulter les registres de notre paroisse, le nombre de nos garçons aux naissances surpasse de près d’un quart le nombre de nos filles jusqu’à l’âge nubile ou les filles deviennent moitié plus nombreuses. Quelles sont les causes funestes de cette dépopulation aussi désavantageuses à l’état général qu’au bien particulier de l’agriculture ?

La source la plus dangereuse de ce terrible fléau qui nous désole (nous ne croyons pas pouvoir nous dispenser de la dire) c’est le nombreux cortège de laquais inutiles que le luxe traine à sa suite.il faut des domestiques, des laquais de gens d’affaires, nous sommes bien éloignés de condamner les riches qui ne gardent que les gens à gages qu’ils peuvent utilement occuper ; mais combien d’hommes inutiles que le luxe nourrit et que la vanité décore ? Combien de bras nerveux enlevés à l’agriculture pour les laisser dans le repos !Quoique nés pour le travail, nous sommes tous portés à la paresse. Un état où, sans occupation pénible l’on gagne de gros gages, on l’on est toujours biens nourris, bien logés, bien vêtus est un état bien séduisant pour le misérable laboureur qui arrose sans cesse de ses sueurs précieuses une terre avare qui lui fournit à peine les choses de première nécessité. Et les passions sont si voisines du cœur de l’homme que la nature nous porte elle-même à préférer un genre de vie où l’on a mille moyens de les mettre en jeu. Ainsi l’on quitte l’araire pour prendre la livrée. S’il y a un bel homme, c’est celui-ci que la vanité préfère. Ainsi nos campagne se trouvent sans cesse appauvries de ce qui serait son plus bel ornement, ainsi se vouent à un service non seulement odieux pour son inutilité mais infiniment préjudiciable à l’Etat. Les plus hommes de la nation, s’ils reviennent dans leurs premiers jours, c’est pour insulter par leur morgue insolente à la misère du peuple et donner du dégoût pour les travaux pénibles. Ils ne regardent plus qu’avec dédain la charrue qu’ils ont indignement quittée ; ils jouissent en paix des plus douces prérogatives dans leur oisiveté favorisée tandis que nos terres languissent, et que nos blés dessèchent sur la tige encore verte faute de bras…Que ne peut-on imprimer une tache indélébile de honte et d’ignominie sur le front de ces hommes avilis ? Peu leur importe que l’Etat soit obérée de dettes ou que l’ennemi soit à ses portes ; mille fois plus heureux que leur maître, ils boivent à longs traits les sucs de l’Etat sans en avaler la lie et en ressentir l’amertume. Encore si la milice n’épargnait pas ces hommes privilégiés mais ils ont un moyen assuré de s’en garantir(5) tandis que les coups du sort tombent sans ménagement sur le pauvre cultivateur. L’on choisit une première fois les plus beaux hommes pour en faire des laquais, l’on choisit une seconde fois pour en faire des soldats…il ne reste à nos campagnes que le rebut. C’est ce rebut seul qui devient l’âme et le soutien de l’agriculture première ressource du royaume ; ce sont des hommes rabougris que l’on réserve pour peupler nos campagnes…Ne dirait-on pas qu’une puissance ennemie travaille sourdement à la dégradation de l’espèce humaine parmi nou.

Ce n’est pas là même la seule perte qu’éprouve l’agriculture. Qu’on calcule s’il est possible le nombre des fénéants (sic) des faiseurs de rien, de gens sans travail et sans état que renferme l’enceinte de nos villes, l’on jugera sans peine de la disette de bras qui doit affliger nos campagnes. Nous désirerions donc qu’il fût placé un impôt sur les gages mal gagnés sur tous ces domestiques qui ne sont pas jugés d’une nécessité suffisante, qu’il plût aux états généraux ou à Sa Majesté de porter une loi sage qui ramenât dans leurs foyers tous ceux qui les ont quittés sans un juste motif et on arrêterait ces émigrations continuelles qui dépeuplent nos hameaux."

322 Saint-André-de-Double

Le cahier de Saint-André de Double (voir sur le site AD24) est bien connu et doit sa célébrité à ses considérations sur les pommes de terre. Mais il a l’intérêt de bien poser certaines questions, notamment sur le poids de la dîme et ses paradoxes.

  1. l’agriculture traditionnelle

L’infertilité de la Double n’est plus à démontrer. Apparaît ici cependant une des caractéristiques de l’agriculture d’Ancien régime. Se reporter à G Mandon, »Quelques hypothèses sur l’état économique et social du Périgord à la veille de la révolution, Le Périgord révolutionnaire, supplément , déjà cité p 477. L’infertilité des sols est compensée par de multiples opération de sarclage, bêchage etc, ce qui induit nécessairement une productivité limitée...Ces faiblesses résultent d’un double handicap : la médiocrité des sols malgré une fumure végétale évoquée ici donne de très faibles résultats à l’hectare (peut -être 5 quintaux soit 3 grains récoltés pour un semé) ; mais en l’absence d’outillage les surfaces cultivées par actif sont limitées (d’autant que le cahier indique la nécessité de conserver des friches pour les engrais) Se conjuguent ainsi faiblesse des rendements et de la productivité. Reste que dans des tableaux de ce type dans les cahiers il faut toujours faire la part du genre littéraire !

Pour ce qui est de la pomme de terre, on ne peut retrouver la chronologie de son introduction en Périgord. Il reste qu’elle est implantée avant la Révolution là où les terres sont trop froides pour la culture du maïs avec qui elle est en concurrence comme plante vivrière, d’abord pour l’alimentation des cochons mais bientôt aussi dans l’alimentation humaine ce qui ne semble pas encore être le cas à Saint-André.

Le développement sur la dîme mérite quelques explications. Son taux de prélèvement en Périgord doit être moyenne au 1/12° mais souvent au 1/11° et elle se prélève sur les produits du sol et la vigne. C’est pourquoi toute hausse de la production se répercute sur elle. D’où les propos tenus ici. Ce qui est souligné ici c’est le fait que la dîme se prélève sur les récoltes (sur le champ le plus souvent et parfois au grenier), c’est àdire le produit brut. Mais pour atteindre le produit net , le producteur doit d’abord soustraire d’un tiers à un quart de la production pour la semence s’il veut une production équivalente l’année suivante. Il faut aussi payer les impôts et les droits seigneuriaux soit encore 20% de la récolte. De sorte que si l’on fixe à l’indice 100 la récolte il faut en soustraire 30 de semence, 20 d’impôts et droits seigneuriaux et autour de 10 de dîme : ce qui fait un prélèvement de moitié. De sorte que la dîme enlève en terme de produit net entre 1/5°et ¼ de la récolte. C’est ce qui explique le raisonnement du paragraphe 6 (A ces fins…frais).En effet lorsque, en année de crise, le produit net diminue de moitié(soit 50) le poids de la semence reste le même si l’on veut préserver l’année future et le prélèvement décimal baisse lui aussi mais représente une part plus importante du produit net

Le calcul de la population donne un taux de 600 habitants pour 133 feux soit le taux classique de 4,5 personnes par feu.

L’étude de la récolte et du produit par habitant est plus intéressante.

Récolte seigle brute : 3600 boisseaux soit à 25 kg le boisseau : 900 qx.

Déduction semence et rentes : 1400 soit 38% de la récolte. Si l’on compte 30% pour la semence, les rentes seraient à 8% ce qui est classique pour le Périgord. La déduction pour les 5 ou 6 domaines tient au fait qu’il s’agisse soit de nobles soit d’urbains privilégiés. Mais on ne voit pas bien comment fonctionne cette déduction qui paraît faible. On voit aussi que, malgré les étendues boisées la part des châtaigniers est faible. On notera aussi que dans ce calcul la dîme n’est pas prise en compte à moins, ce ne serait pas illogique, que le produit décimal ait été enlevé du produit de 3600. Ce qui est important c’est qu’il reste 5 boisseaux à 25 kg soit 125 kg par an soit moins de 400 grammes par jour, ce qui paraît faible mais on aurait par feu 25 kg a répartir entre 4 a 5 personnes mais seulement 2 ou 3 adultes et 2 enfants ce qui donne des rations plus supportables surtout si l’on compare à celles fixées à la fin de l’An II.

Dernier point abordé : comment ajouter aux revenus de la terre ? D’une part par des services extérieurs comme les charrois ou l’émigration saisonnière qu’a étudiée Jean-Pierre Poussou, Bordeaux et le Sud-Ouest de la France, E.H.E.S.S., 1983, Chapitre 3 p 63.

Fin du texte StAndré

Et 150 entre l’enfance et la puberté

On y recueille environ 3600 boisseaux de blé presque tout seigle, mesure de Ribérac dont il fauit déduire 1400 pour les semence et rentes, il faudrait encore en déduire 150 pour la moitié du produit de six domaines possédés par des étrangers. Reste 2050. On recueille aussi environ 600 boisseaux de blé d’Espagne, 300 boisseaux de millet ; les légumes et les châtaignes peuvent équivaloir à 200 ce qui ferait en tout 2050 3150. Cette quantité de blé divisée entre 600 individus ne ferait pas beaucoup plus de 5 boisseaux pour chacun.

Le produit du bétail et des bois n’est certainement pas suffisant pour le vêtement. Les autres menus besoins s’ajoutent aux frais de culture et les impositions royales. Cette paroisse est donc pauvre, puisque toutes les ressources épuisées, il ne lui reste pas de quoi vivre à demi. Pour subvenir à cette indigence, il faut user de moyens qui par la suite deviennent plus nuisibles que le mal même. On se sauve par les charrois qui reviennent très fréquemment et où l’on passe bien des jours perdus pour les travaux de la terre, d’un autre côté les jeunes gens s’absentent presque tous au retour du printemps, vont dans d’autre pays vendre leurs bras et leur vigueur afin que l’hiver les ramenant dans leur patrie, ils puissent y apporter quelque secours pour leur famille. On voit combien l’agriculture doit souffrir de ces évasions qui sont annuelles.

Cette paroisse unit ses vœux à ceux du reste de la Double pour les réclamations qui y sont communes. Elle espère qu’on voudra bien lui faire quelque part des soulagements et secours qu’on pourra avoir à répandre sur les cantons de la provins (ADD 6C13)

c -Le cahier de Villamblard

Enfin, le cahier de Villamblard témoigne à la fois de l’anticléricalisme populaire mais aussi de ce que certaines mesures de la constitution civile du clergé qui parurent radicales étaient aussi dans les têtes en 1789, même si ce cahier de Villamblard paraît tenir des positions particulières. Notons que le contenu reprend la question de la domesticité. Ce cas sera évoqué en section 4

Les travailleurs les plus nerveux ont abandonné une paroisse frappée de tant de fléaux, ils se sont enrôlés avec la laquetaille et les artistes pour avoir du pain avec des vices, l’oisiveté avec la commodité et la bassesse. Prennent-ils un peu plus d’essor, ils se font prêtres ou moines et vont grossier la troupe des fainéants doublement onéreux et par le sot orgueil de leurs prétentions et par les salaires très disproportionnés avec les services qu’ils rendent.

Sera suppliée Sa Majesté :

1° De réduire d’un quart les évêchés la mort arrivant

2° Supprimer toutes les collégiales

3° Défendre recevoir pas un religieux de dix ans, les réduire en deux classes suivant le régime de carnivore ou d’ictyophages

4° Ordonner qu’ils seront au moins 12 religieux dans chaque couvent, moyennant ce, celles qui demeureront vacantes seront cédées au profit des provinces (6)

5° Qu’ils entreront sous la juridiction ordinaire de l’ évêque qui pourra s’en servir de vicaire de secours

­6° Le religion romaine sera toujours dominante. Tous les cultes qui ne combattent pas les lois civiles seront tolérés en par leurs sectateurs alimentant leurs ministres

7° les protestants jouiront de tous les droits civiles et pourront même postuler les charges publiques ; sans pour autant faire corps.

8° Comme l’empire des religions est dans les cieux, les biens de la terre comme ministres leurs seront prohibés. En conséquence toutes les dîmes ecclésiastiques supprimées.

9° En remplacement il sera payé 1° aux archevêques 30000livres, aux évêques 15000, aux curés 1000 livres pour les cures à 200 feux, 1200 à ceux qui ont 300 feux, enfin 1600 livres pour celles où il faut l’intervention d’un vicaire. Les curés, moyennant ce traitement, ne pourront rien plus prétendre pour les fonctions de leur état (7)

10° Toutes les abbayes, prieurés ou bénéfices consistoriaux seront supprimés

11° Il sera établi un consistoire à Paris pour sacrer les évêques, accorder leur bulle et investir leurs évêchés

12° Créer un patriarche pour présider ledit consistoire qui remplira en France les fonctions de Sa Sainteté ; moyennant ce, abroger tout envoi d’argent à Rome, soit pour les annates(8), bulle dispenses etc…

33 - Les états à Périgueux

Remarque : J’ai évoqué dans le livre les états du Périgord. En fait le sentiment que leur réunion de 1789 s’inscrivait dans la tradition de ceux de 1614 justifiait l’emploi de ce terme. Mais il s’agit d’une simple réunion électorale qui n’avait aucun pouvoir de décision à la manière des états provinciaux. Mais on voyait dans la réunion de 1789 un premier pas vers ce rétablissement

b- les curés « richéristes (9)» et le malentendu de 1789 : texte abbé Lastorde (N N ,Fonds Périgord, correspondance Lespine)

L’abbé Lastorde (ou Laborde) est curé de Bourrou. C’est un correspondant de l’abbé Lespine qui en 1789 séjourne à Paris. Son confrère lui écrit donc pour lui arrer les nouvelles du pays et ici la réunion du clergé à Périgueux. On y retrouve l’inspiration richériste, un des avatars d »presbytérien » du jansénisme et qui s’élevait contre la gestion autocratique de l’ordre par le haut clergé méprisant à l’égard des prêtres de paroisses

b-le mandat impératif de la noblesse périgourdine.

Ce mandat a été voté par la partie la plus dure du clergé périgourdin et notamment des parisiens qui, n’ayant pas été élu voulurent enfermer leurs députés dans des prescriptions très étroites qui montrent leur état d’esprit et complètent le cahier de doléances.

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Notes :

Note 1 : A noter que le Dauphiné (pays d’Etat) faisait figure de modèles dans la pré-Révolution notamment à la suite de la fameuse « journée des tuiles » du 7 juin 1788 à Vizille. On y avait convoqué les Etats particuliers selon un mode qui augmentait la représentation du tiers et le vote en assemblée commune. Jean Egret, La Révolution des Notables, Mounier et les Monarchiens, 1789, Paris, Armand Colin, 1950.

Note 2  : On est ici face à la formulation stricte du système censitaire dans une définition plus rigoureuse que celle de la Constituante. Celle-ci graduait les droits des citoyens (actifs, électeurs, éligibles) en fonction de l’impôt. Ici  on établit une sorte de proportionnalité directe entre taille des propriété et citoyenneté on exclut du vote tous ceux qui ne sont pas propriétaires à commencer par les métayers même s’ils paient beaucoup d’impôts

Note 3 :  Il s’agit là des dîmes inféodées que percevait la noblesse qui constituait une partie décimée mais mal acceptée du produit décimal et qui avait survécu à la réforme grégorienne du XII °siècle qui avait vu l’Eglise récupérer ses biens spoliés par la noblesse durant les siècles de désordres postérieurs à Charlemagne.

Note 4 :  C’est à dire en les distribuant aux manants au sein de la seigneurie, qui fonde la propriété éminente, en échange d’un cens ou droit ou rente féodale tandis que les propriétés directes acquises par achat ou héritage étaient travaillées en faire valoir direct ou louées aux fermiers ou métayers contre loyer en argent dans le premier cas, en nature dans le second.

Note 5 : Les domestiques des privilégiés étaient exempts de milice.

Note 6 : En fait cette mesure fut appliquée plus rigoureusement puisqu’on décida de « rendre leur liberté » aux religieux qui le souhaiteraient et de regrouper les autres par vingt

Note 7 :  Il s’agit d’interdire la perception de ce que l’on appelait le casuel notamment perçu pour les enterrements

Note 8 :  Revenu d’une année du bénéfice à envoyer à Rome au moment d’une entrée en possession. Dans les faits, il ne s’appliquait qu’aux évêques et était souvent une partie seulement du montant

Note 9 :  Le « richérisme » du nom d’Edmond Richer (1559-1661) affirmait la subordination du pape aux conciles et estimait que, le seul seigneur étant Jésus-Christ, l’Eglise ne pouvait être gouvernée que par des conseils dont les curés (prêtre ayant la « cura animarum » soit la charge des âmes), successeurs des apôtres devaient faire partie au même titre que les évêques conformément à ce qui se passait dans l’Eglise primitive. Le richérisme a été au XVIII°siècle une composante du jansénisme et a nourri une sorte de courant ecclésial démocratique qu’illustre cette lettre de l’abbé Lastorde ou Laborde que Louis Grillon avait relevée a la Bibliothèque nationale. Elle fait partie d’un courrier qui court sur l’année 1789 et qui montre que pour être richériste les curés avaient souvent pour ce qui est de la société des idées plus conservatrices. Cela a nourri le malentendu de 1789 sur le clergé que l’attitude de la majorité des ecclésiastiques à l’Assemblée devait dissiper : ils eurent vite le sentiment que les mesures prises par l’assemblée étaient hostiles au clergé. J’avais publié ce texte en 1989 dans Croquants et Jacobins, cité ci-dessus, p14-15