Le château de La Valade

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Château de La Valade

Ce domaine actuellement propriété de Monsieur et Madame Civetta, situé sur la commune de Lisle, a une longue histoire qui mérite d’être contée et rappelée.

   L’origine de ce repaire noble de La Valade (son nom signifie « maison au-dessus de la vallée ») remonte à la fin du XVIe mais il n’y a pas de documents attestant des étapes successives de sa construction. Cependant, dans la grange qui borde la cour intérieure, l’architecte Alain de La Ville qui a été l’auteur de la restauration du château a repéré des montants de cheminée qui dateraient du XIVe siècle. En effet, dès cette période, il y avait certainement un ensemble de bâtiments qui auraient précédé la construction de la maison forte.

Erigé en pierre de taille et moellon de calcaire enduit, ce château possède un étage carré et un étage de comble. Une tour circulaire flanque le logis au nord-ouest. Un portail relie le château à un second logement daté de 1768 et complétant le site. La grange-étable se situe à l'est, tandis qu'au nord, les écuries font face au logement secondaire. ‍

  Deux pièces en bas, deux pièces en haut et une ouverture dont les propriétaires ont choisi de conserver la trace, au premier étage de la façade nord, la moins exposée en cas d’attaque : voici les caractéristiques d’une maison forte, accessible seulement par une échelle, vite retirée par ses habitants en cas de danger. Il faut savoir que le village voisin de Lisle, situé sur la voie romaine de la vallée de la Dronne, était un lieu d’étape militaire et c’est cette continuelle menace de chapardages et d’intimidations voire plus au cours de ces siècles de guerre qui aurait logiquement conduit à édifier La Valade.

Un escalier à vis, invisible de l’extérieur aujourd’hui, a fini par rendre la maison forte plus confortable et c’est au-dessus de l’entrée de ce qui est actuellement le salon que nous trouvons le blason des Gentils, la famille qui l’a habitée deux cents ans soit du XVIe siècle à la Révolution. « D’azur à une épée nue mise en pal la pointe en haut, sous laquelle passe un chevron de même, accompagné de trois roues de Sainte-Catherine de même, posés deux et un » : tel est le blason de cette famille du Limousin dont une branche est venue s’installer dans le Périgord. En voici quelques représentants.‍

Armes la vallade.jpg


Jehan de Gentils est viguier à Saint-Yrieix au début du XVIe siècle et c’est son second fils, Hélie, qui est anobli en 1515 par Louise, duchesse d’Angoulême et mère de François Ier donc régente de France pendant que son fils guerroie en Italie. Son titre d’écuyer est enregistré à la chambre des comptes le 22 février 1518 et d’Aguesseau le confirmera en 1667. Hélie aura 14 enfants dont Léonard qui formera la branche des Gentils de Lajonchapt et Adrien, écuyer et seigneur de La Valade, de qui descendra la branche cadette, les Gentils de La Valade et de Saint-Romain c’est-à-dire celle qui nous intéresse.

   Adrien est le père de Jean qui est le père de Martial et c’est Martial, seigneur de La Valade, paroisse de l’Isle, juridiction de Bourdeille (orthographes anciennes), qui fut le capitaine du château de Bourdeille. La guerre civile fait rage alors, André de Bourdeille, gouverneur et sénéchal du Périgord, le charge, en 1580, de former une compagnie de 100 hommes de pied pour la défense du château. En 1616, Martial écrit son testament : les Gentils de La Valade ont quitté le Limousin pour de bon et se succèderont dans ce lieu jusqu’à la Révolution.

   Dans son livre « Histoire de Lisle », l’abbé Farnier cite l’anecdote suivante. En 1697, François-Sicaire de Gentil demande au curé de Lisle, Maître Pierre Faure, un droit de banc et un droit de tombeau. Si le droit de banc était l’apanage de la noblesse, le droit de tombeau n’était pas systématique puisque la sépulture se situant sous le sol de l’église, la place était comptée. Le curé s’est fait tirer l’oreille mais, en échange d’une petite rente, le souhait de François de Gentil fut exaucé ; on n’en trouve aucune trace aujourd’hui.

   Antoine-Henry de Gentil fut mousquetaire à la Garde du Roi entre 1749 et 1755. En 1756, il épouse Marie de Malet née au domaine de Bellevue à Lisle et agrandit le domaine par acquisition. Leur fils, François, né à La Valade le 20 juillet 1760, émigre en Allemagne à la Révolution puis deviendra officier supérieur d’Intendance sous Napoléon Ier. Il épouse Jehanna Wilhelmine, comtesse Herzberg, le 14 octobre 1811 à Berlin. Il sera grièvement blessé à Minsk et décèdera à l’hôpital militaire de Vilna le 2 janvier 1813. Il laisse cependant deux enfants, un garçon et une fille, qui auront une descendance en Allemagne.‍

La Valade sera vendue en 1791 à M. Faure de Rochefort et les parents de François de Gentil se retireront à Bellevue, à Lisle. Dix-huit propriétaires se succèderont jusqu’à aujourd’hui. Elie Cruveiller a été propriétaire de La Valade de 1877 à 1920 c’est-à-dire au moment où la ferme école a connu son apogée. En effet le domaine de La Valade en fut le siège entre 1851, date du transfert de La ferme école de Sallegourde, jusqu’en 1884.1

Vue générale

Un court récit anecdotique concernant les « de Gentil de la Vallade » conté par Anne-Marie Cestac née Cruveiller.

« En 1959, Antoine Cruveiller, alors maire de Lisle, à la suite de son père Jean-Jules, et neveu de Elie Cruveiller reçut une lettre d’Allemagne, de Dresde, la capitale de la Saxe, d’un Herr Doktor "von Gentil de la Vallade" qui lui demandait la possibilité de visiter le château de la Vallade, berceau de sa famille. Il invita donc Mr et Mme von Gentil de la Vallade à cette visite et nous les avons accompagnés, mes parents et moi-même.

Monsieur Gentil de la Vallade, grand, cheveux châtain clair, yeux bleus, "bel homme", remplissait son regard de tout ce qu’il voyait tandis qu’il racontait : après la Révolution, pendant les campagnes napoléoniennes, son lointain ancêtre François était tombé amoureux d’une allemande, tout arrive même en temps de guerre, et avait fondé un foyer, s’était établi à Dresde où résidait depuis cette branche de sa famille.

Le soir, chez mes parents, à la fin du dîner, M. Gentil de la Vallade a retiré d’une pochette un plat en porcelaine de saxe et l’a donné avec solennité à ma mère en signe de remerciement pour l’avoir bien reçu et lui avoir permis de voir "son château". Il a ajouté, il parlait très bien français, "ce plat, aux armes de ma famille, m’est très cher ; avec 2 autres pièces de porcelaine, c’est tout ce qui nous reste de notre maison après les terribles bombardements de Dresde pendant la deuxième guerre mondiale".

Je vous laisse deviner la surprise et l’émotion de la famille à la réception de ce cadeau. »


Maurice Cestac (texte publié dans "Mémoire vivante" n° 25 - juin 2022)

1  : Voir pour la description de cette ferme école : Cestac Maurice, "Agriculture et Ecole en Périgord de Bugeaud à nos jours", Bulletin de la SHAP, tome CXXV, 1998.